13 fake news sur la voiture électrique
publié par
Arthur de Lassus
le
Tuesday
20
February
2024
La voiture électrique, une arnaque écologique ?
La voiture électrique commence à se généraliser sur les routes de France et on entend tout et son contraire sur cet objet qui déchaîne les passions.
Voici quelques affirmations que l’on peut entendre dans le débat public :
- Les véhicules électriques (VE) contiennent beaucoup de terres rares
- Les batteries des VE font travailler des enfants
- Les batteries ne tiennent pas longtemps
- Il n’y a pas assez de matériau pour électrifier le parc mondial
- Les VE nécessitent d’augmenter les extractions
- Les VE prennent feu et ne sont donc pas sûrs
- Les voitures électriques (VE) émettent plus de CO2
- Il vaut mieux faire durer jusqu’au bout les vieilles voitures
- Les batteries ne sont pas recyclées
- Les VE nous font perdent notre souveraineté
- Les VE coûtent cher
- Les voitures électriques consomment plus d’énergie à cause de la production de la batterie
- Les VE polluent autant que les VT
Il se trouve que ces 13 arguments sont tous faux (et pas qu’un peu).
Voici un article qui vous permettra de démêler le vrai du faux.
“Les véhicules électriques (VE) contiennent beaucoup de terres rares”
Il n’y a pas de terres rares (qui ne sont pas rares et qui ne sont pas des terres) dans l’immense majorité des batteries actuelles mais il y en a dans les moteurs des lève-vitres électriques et surtout dans les pots catalytiques des diesels (source).
Les véhicules thermiques (VT) ont donc souvent plus de terres rares que les VE.
Il est à noter que nous mobilisons des terres au quotidien dans nos vies modernes via l’utilisation de lumière à LED, via les écrans tactiles, les transistors de tous les appareils digitaux sans que cela ne soit critiqué, en tout cas dans des proportions moindres que pour les véhicules.
Une chose est sûre : elles ne sont pas présentes dans les batteries fabriquées en masse actuellement.
“Les batteries des véhicules électriques font travailler des enfants”
Il est difficile de trouver des chiffres fiables sur la part du cobalt extraits par le travail d’enfants (au Congo) mais le travail des enfants au Congo qui extrait actuellement 70% du cobalt mondial est un fait avéré et il n’y a pas de traçabilité actuellement des métaux (mais le passeport batterie qui trace cela arrive en 2026 en Europe). Ici.
Il est donc possible que dans quelques années, les batteries utilisées en Europe et qui contiennent du cobalt n'impliquent pas l’exploitation des enfants dans des conditions indignes.
Il y a une autre information à connaître : il existe un type de batterie qui ne contient pas de cobalt, c’est une batterie lithium-fer-phosphate ou LFP.
Les premières batteries de voitures électriques comme la Zoé de Renault avaient une batterie NMC (nickel-manganèse-cobalt) mais de plus en plus de voitures électriques s’équipent de batteries LFP.
La moitié des VE vendus en Chine, mais aussi la Tesla modèle 3, la future e-C3 sont équipés de LFP. Ce n’est donc pas un marché de niche. C’est même la future batterie de référence pour les véhicules d’entrée et de moyenne gamme.
Pourquoi ?
Les batteries LFP ont un coût inférieur, ne dépendent pas du nickel et du cobalt et bien qu’elles soient moins denses énergétiquement que les batteries NMC, les caractéristiques sont suffisantes pour un grand nombre de modèles.
“Les batteries ne tiennent pas longtemps”
La durée de vie des batteries se mesure en nombre de cycles : 1 cycle = une charge-décharge complète, 2 demi charge-décharges ou une charge-décharge à 30% et une autre à 70% etc.
Le nombre de cycles que pourra réaliser une batterie sur sa durée de vie dépend notamment de la profondeur de la décharge (passer de 100% à 30% ou 20% ou 5%), de la vitesse de la charge, du temps, de la chaleur. Progressivement, la capacité de la batterie s’amenuise, donc sa durée de vie dépend aussi de la perte de capacité que l’on tolère.
Les batteries NMC sont données pour 3 000 cycles avant de perdre 20% de leur capacité.
Les batteries LFP sont données pour 6 000 cycles (c’est pour cela qu'elles sont souvent utilisées dans le stockage stationnaire en site isolé avec du solaire par exemple) (source). Mais cela peut varier à la hausse comme à la baisse en fonction des paramètres cités ci-dessus.
Une batterie dans un VE qui a une autonomie de 300 km, devrait donc pouvoir parcourir 1,8 million de kilomètres avant de perdre 20% de sa capacité.
Bien entretenue, une batterie dure vraiment très longtemps.
C’est pour cela que de nombreux VE neufs sont garantis 7 ans ou 150 000 km alors qu'il est très rare d'avoir ce type de garantie pour des VT neufs de manière automatique alors que la technologie a plus d'un siècle de maturité !
Il existe des Tesla qui ont parcouru plus d’un million de kilomètres (le record actuel étant à 1,6 million de km). Elles ont parfois eu des changements de batteries et de moteur. Cela est dû au fait que ces batteries sont de technologies NMC (durée de vie 2 fois moindre) et que pour faire autant de kilomètres en aussi peu de temps (moins de 10 ans), les utilisateurs les ont utilisés dans des conditions extrêmes : vitesse de charge très importantes, décharges profondes etc.
Il faut donc déconstruire cette idée reçue sur les batteries. Leur durée de vie n’est pas moins grande que celle d’une voiture thermique. Les VE ont même en général une durée de vie plus longue.
“Il n’y a pas assez de matériaux pour électrifier le parc mondial”
Les réserves connues actuellement en lithium en 2021 permettraient de produire 3 milliards de voitures de taille moyenne (source). Il y a 1,4 milliard de voitures actuellement dans le monde.
Il y a donc assez de ressources pour électrifier le parc mondial (sans se positionner sur la désirabilité de la mesure).
Paradoxe à avoir en tête : les réserves, pour le moment, augmentent avec le temps (et l’extraction). Exemple avec le cuivre ici.
Dans ce rapport (ce n’est pas le seul) vous avez des détails métal par métal.
De manière générale : il y a toutes les ressources nécessaires pour faire la transition (VE, PV, éoliennes etc.). Le problème concerne l’augmentation rapide du flux d’extraction pour bâtir l’infrastructure bas-carbone en moins de 30 ans mais pas le stock disponible.
Pour information, même dans un scénario très sobre de l’ADEME (l’agence de la transition en France), en 2050, il y a 20 millions de VE en comparaison aux 40 millions de VT maintenant, 4 fois plus de puissance éoliennes, 10 fois plus de panneaux photovoltaïques etc.
Il faut bâtir une infrastructure bas-carbone. Elle repose forcément sur des métaux situés dans la croûte terrestre, et disponibles, heureusement, en quantité suffisante.
Le domaine des batteries change très rapidement, il n’est pas encore mature et propose d'ores et déjà une durabilité très importante ainsi que de belles avancées en cours.
Une avancée technologique aura très probablement une vraie importance dans le futur : la batterie au sodium. CATL le leader mondial des batteries a annoncé récemment qu’il commençait la production à large échelle de batteries au sodium au 2ème semestre 2023. Dans cette batterie, le lithium est remplacé par le sodium qui est 1 000 fois plus abondant dans la croûte terrestre (source). Le risque de manque de métaux est complètement évacué avec le sodium qui est en plus bien réparti sur terre et peu cher à extraire. Les avantages de la première version de cette batterie sont énormes (ici) y compris par rapport aux batteries LFP : moins chères, matériaux abondants, plus sûres, charge plus rapide, même longue durée de vie. Seule la densité énergétique est plus faible mais c’est à nuancer grandement. La première génération de batterie au sodium possède une densité énergétique égale à celle des LFP de 2020 qui équipent les Tesla modèle 3 (berline de luxe). Avec des annonces pour des batteries au sodium à la densité 20% supérieures en 2025, ces caractéristiques sont suffisantes pour équiper tous les véhicules légers et laisser le lithium pour la mobilité plus exigeante comme celles des poids lourds ou grosses péniches/petits porte-conteneurs (ici en Chine).
Même si cette nouvelle technologie est très prometteuse, elle n’aura pas d’impact significatif avant la fin de la décennie (ici) étant donné la taille déjà importante de la production de batteries au lithium et du rythme de croissance nécessaire aux technologies actuelles pour tenir l’accord de Paris.
“Les véhicules électriques nécessitent d’augmenter les extractions”
Chaque année, nous extrayons 15 milliards de tonnes d’énergies fossiles. Pour accomplir la transition énergétique pour tous il faudrait 300 millions de tonnes de métaux en 2050 (source).
Les ordres de grandeur n’ont rien à voir. Qui plus est, une fois extraits ces métaux peuvent être théoriquement recyclés à l’infini alors que les matières fossiles sont consommées.
Il faut donc annuellement 50 fois moins de matériaux (qui peuvent être recyclés) pour bâtir une infrastructure neutre énergétiquement d’ici 2050 qu’il faut de fossiles pour maintenir un système énergétique catastrophique climatiquement.
Une autre manière de voir les extractions de matière c’est de les comparer sur la durée de vie d’un véhicule. Comparons la fabrication : une Peugeot 207 pèse 1 tonne tandis qu'un VE équivalent en pèse 1,6 tonne, l'empreinte matière est donc plus importante pour le VE. Regardons maintenant l'usage : sur 240 000 km c’est 10 tonnes de pétrole extraites et seulement 2,2 kg de matière pour produire l’électricité du VE (avec un mix électrique français) (source).
En prenant en compte une durée de vie de 240 000 km, le VE demande tout compris, 6 fois moins d’extraction que le VT. Si on considère 500 000 km d'autonomie, c’est 13 fois moins. Cet avantage considérable s'accroît davantage au cycle suivant grâce à la recyclabilité de la batterie (cf plus bas) et des moyens de production d’électricité.
Un véhicule électrique est beaucoup plus sobre en matières qu’un véhicule thermique.
“Les véhicules électriques prennent feu et ne sont donc pas sûrs”
Si vous percez la batterie du téléphone qui est dans votre poche, il est très probable qu’il émette un gaz et qui s’enflamme brusquement. Il y a eu des bus et des voitures qui ont pris feu de manière spectaculaire et l’on entend donc que les voitures électriques peuvent prendre feu et ne sont pas sûres.
Avec les données disponibles, il est possible d’affirmer que les VE prennent moins souvent feu que les VT (8 fois moins d’après une étude en Suède qui est un marché en avance par rapport à la France avec plus d’un tiers des véhicules vendus qui sont électriques).
A noter que les batteries à forte densité énergétique, utilisées dans les VE haut de gamme, les batteries NMC, sont plus à risque. Les batteries LFP, mêmes percées, ne s'enflamment pas.
“Les voitures électriques émettent plus de CO2e que les voitures thermiques”
Sur un cycle de vie classique de 150 000 à 200 000 km, les VE émettent autour de 3 fois moins qu’un équivalent thermique.
Même si une majorité de français pense que les VE émettent plus sur leur cycle de vie, ce facteur 3 est un classique des études sérieuses (source).
Certes un VE émet plus à la fabrication mais comme son usage émet extrêmement peu, sur son cycle de vie complet, l’avantage est très net pour un VE classique.
Un VE de taille moyenne aura remboursé son crédit carbone par rapport à son homologue thermique au bout de 25 000 km (avec de l'électricité française). Pas à partir de 25 000 km/an mais 25 000 km au total soit au bout d’à peu près 2 ans d’utilisation en prenant la moyenne d'utilisation française.
Mais en considérant la chimie des batteries LFP, leur grande durée de vie et la décarbonation du réseau électrique français à venir, l’écart se creuse à l’avantage des VE.
Manifestement, les batteries LFP émettent 40% de moins à la fabrication en Chine que les batteries NMC (Xiong, 2019 : source).
Avec un VE équipé d’une batterie LFP qui fait 500 000 km (soit beaucoup moins que l’autonomie théorique d’une batterie LFP), les émissions sont 6 fois plus faibles que celles d’une voiture thermique comparable. Pour rappel, il faudrait au moins une division par 5 de l’empreinte carbone française et une division par 6 de nos émissions territoriales est inscrite dans la loi française.
Il semble bel et bien qu’un VE que l’on fait durer et dont les kilomètres remplacent des kilomètres parcourus en VT permet déjà une baisse des émissions compatibles avec un scénario limitant le changement climatique à +1,5°C.
“Il vaut mieux faire durer jusqu’au bout les vieilles voitures”
C’est un argument souvent entendu. Être écolo c’est éviter de jeter, faire durer les objets et donc le vrai écolo fait durer sa voiture thermique jusqu’au bout.
Ce raisonnement n’a, du point de vue du CO2, aucun sens.
Pour une paire de chaussettes, qui n’émet pas de CO2 à l’usage, où tout l’impact CO2 est à la production (et un peu en fin de vie), il est ultra pertinent de faire durer cette chaussette pour ventiler la quantité de CO2 émise à la production sur une plus longue durée, quitte à l’utiliser quand il y a un petit trou qui ne se voit pas quand le pied est chaussé !
Pour les objets qui émettent du CO2 à l’usage, le raisonnement est radicalement différent. Plus ils sont utilisés, plus il faut les remplacer vite par un objet moins émetteur. Les avions sont un bon exemple : utilisés de manière intensive, leur production représente quelques pourcents des émissions du cycle de vie. Imaginons un avion avec 10 ans de durée de vie dont la construction émet 1% du cycle total. Si un nouvel avion émet 20% de moins, il est rentable, du point de vue CO2, de mettre le premier à la casse au bout de 6 mois d’exploitation (5% de sa durée de vie potentielle) !
Le remplacement d’un VT par un VE est à faire le plus vite possible si le VE est climatiquement pertinent c’est-à-dire si le VE va substituer au moins 2 000 km/an de kilomètres en VT.
“Les batteries ne sont pas recyclées”
En théorie, les métaux sont recyclables à l’infini.
En 2032, le taux de recyclage minimum en Europe sera au minimum de 95% pour le cobalt, le cuivre, le nickel et le plomb et de 80% pour le lithium) (source p349) ! Il y a des seuils moins importants (90-50%) pour des dates plus proches mais étant donné la grande durée de vie pour les batteries (facilement 10 ans), les premières grosses quantités de batteries seront traitées dans la décennie 2030 et c’est donc les cibles présentées qui comptent.
Par ailleurs, l’Europe crée, au forceps, sans signal prix, un marché du recyclage pour s’assurer de la future autonomie du vieux continent en métaux. Comment ?
En mettant des taux minimum d’incorporation de métaux recyclés dans les batteries (ici), 26 % pour le cobalt, 12 % pour le lithium et 15 % pour le nickel en 2036. Ces taux sont faibles mais c’est tout à fait logique : comme la croissance de la production doit être exponentielle pour tenir les objectifs climatiques et que les batteries ont une durée de vie importante, on ne peut incorporer que les vieilles batteries qui ont été créées en faible quantité 10-20 ans plus tôt.
“Les VE nous font perdent notre souveraineté”
Les géants de la voiture électrique sont l’américain Tesla et le chinois BYD. Les français, les européens sont à la traîne et cela fait craindre, pour certains, une perte de souveraineté.
Il y a, au moins, 3 types de souveraineté à distinguer pour le remplacement d’un système voiture thermique par un système voiture électrique. Une souveraineté technique, économique et énergétique.
La souveraineté énergétique
Il n’y a aucune souveraineté énergétique française sur le système voiture thermique et il n’y en aura jamais. Si la France maîtrise la production des moteurs et des voitures, seulement 1% du pétrole consommé est produit en France, nous avons 3 mois de ressources stratégiques pour ce qui est notre première source d’énergie, le sang actuel de notre économie. Nous dépendons entièrement et immédiatement de l’étranger y compris de pays peu respectueux des droits humains comme l’Arabie Saoudite (https://www.amnesty.fr/pays/arabie-saoudite). Le raisonnement est le même au niveau européen, il n’y a pas d’autonomie stratégique européenne pour cause de dépendance pétrolière.
En revanche, il est envisageable d’avoir une souveraineté énergétique pour le système voiture électrique. Si la Chine est leader sur le production de la chaîne de valeur énergies renouvelables - batteries - voitures électriques, cela n’est pas une fatalité imposée par la nature comme la quasi absence de pétrole sur le continent européen (au regard de sa consommation).
Avec le nucléaire, les barrages, les ressources minières européennes et la relocalisation de la production de la chaîne de valeur, il est possible de limiter très fortement notre dépendance.
De plus, une rupture d’approvisionnement en pétrole se fait sentir immédiatement alors qu’une rupture d'approvisionnement en panneaux photovoltaïques (PV) ou en batterie n’a pas d’effet critique à court terme (hors enjeux de décarbonation). Un PV a, par exemple, une durée de vie supérieure à 25 ans et présente une perte de -0,75%/an (source) ce qui laisse le temps de réagir. Après plusieurs centaines de milliers de kilomètres les batteries ont encore 80% de capacité et peuvent donc encore fonctionner si on tolère une baisse de l’autonomie (passer de 300 km d’autonomie à 270 km sera, en cas de conflit dur avec la Chine, le cadet de nos soucis dans notre quotidien).
Il est néanmoins clair que la dépendance passe des hydrocarbures aux métaux. Si l’étendue des ressources minières européennes (et surtout la tolérance à l’extraction) n’est pas encore claire (projet européen en cours), les ressources minières peuvent être extraites à différents endroits du monde ce qui limite la dépendance. Point intéressant pour notre cas : les batteries LFP peuvent être produites en très grande quantité en Europe. Un méga gisement de phosphate vient d’être découvert (source), le fer est abondant et le lithium existe en France (la mine qui va démarrer près de Clermont-Ferrand ne pourra pas suffire pour électrifier notre parc mais c’est un bon début) et en Europe.
Par ailleurs, les métaux, contrairement au pétrole, peuvent être recyclés théoriquement à l’infini : il est possible de faire une batterie à partir de métaux de batterie (exemple). C’est le choix stratégique lancé par l’Europe. Avec un taux de recyclage minimum en 2032 de 95% pour le cuivre, cobalt et nickel et 80% pour le lithium la dépendance envers l’extérieur pour les métaux nécessaires pourra être réduite par 10 !
Une partie plus importante de métaux peuvent être extraits d’Europe en comparaison aux hydrocarbures, les sources de métaux sont plus diversifiées, la rupture d’approvisionnement est moins critique dans le temps et la dépendance, à terme, aux métaux pourrait être réduite par un facteur 10 grâce au recyclage.
L’électrification des transports est une opportunité stratégique pour la souveraineté énergétique française si la souveraineté technique suit.
Que peut-on dire de la souveraineté technique ?
Le moteur thermique était la pièce maîtresse d’un VT et l’Europe en avait une très grande maîtrise. Pour le VE, c’est la batterie qui requiert le plus de technicité et la Chine possède une très grande part du marché de la production de batterie (surtout les LFP) mais aussi de la production et du raffinage des métaux qui la constituent. Elle a bâti récemment un empire industriel de fabrication de voitures (elle est désormais le pays qui exporte le plus de véhicules).
Les fabricants européens essaient de rattraper leur retard sur Tesla et les chinois sur la conception de VE. De très nombreux projets de production de batteries sont prévus en Europe, donc le savoir-faire sera présent, à terme, en Europe.
La production d’électricité est aussi critique. Même si l’Europe a encore une belle part de marché dans la production des éoliennes notamment sur terre, la Chine est en quasi situation de monopole pour la production de panneaux solaires qui est la source d’électricité qui va le plus augmenter dans les années à venir. Mais cela n’est pas une fatalité et bien davantage un choix politique (ici). L’Union Européenne peut donc tout à fait internaliser et maîtriser les différentes étapes du cycle de vie du système voiture.
Il reste la souveraineté économique.
Ce domaine n’est pas la compétence principale des deux créateurs d’Horizons Décarbonés.
De manière simple, il est possible de distinguer la valeur économique sur la construction et sur l’usage. Il paraît compliqué de savoir, à terme et à la production, si davantage de valeur ajoutée sera localisée en France dans un système VE par rapport au système VT actuel. En revanche, pour ce qui est de l'usage, la valeur ajoutée française sera probablement plus importante : tout le pétrole est importé. Pour ce qui est de la fin de vie, la valeur contenue dans les métaux sera recyclable en France ce qui se rajoute à l’intérêt d’un système VE.
Conclusion : malgré les incertitudes, la réindustrialisation française via la production de batteries en France est un axe stratégique indispensable qui est en train d’être concrétisé avec de nombreuses annonces de projet et de construction dans le nord de la France. Au total, un système VE, modulo une transformation profonde des différents acteurs, ne met pas en danger notre souveraineté bien au contraire. La lutte contre le changement climatique va donc de pair avec une souveraineté de notre destin.
“Les VE coûtent cher”
Il faut distinguer, dans une analyse complète, le coût d’achat et le coût de revente mais aussi le coût de l’usage (carburant, assurance, réparations…).
A l’achat les VE coûtent souvent plus cher mais il y a déjà des exceptions (un VE de modèle MG4 sans aide financière est moins cher (-1 000 €) que son concurrent, la Renault Mégane thermique).
De plus, la valeur résiduelle d’un VE est supérieure à celle d’un VT. C’est logique car le moteur électrique comme la batterie ont une plus grande durée de vie que l’équivalent thermique.
Les VE coûtent déjà moins cher à l’usage .
Le carburant d’un diesel coûte facilement 0,11€/km (6l/100 et 1,8€/l). En VE c’est plutôt 0,02€/km si la charge a lieu en heure creuse (17kWh/100km et 0,12€/kWh).
10 000 km/an en VE, c’est donc 900 € de carburant économisés.
Par ailleurs, l’entretien est moins important (pas de vidange, les freins se changent seulement tous les 100 000 km grâce au freinage régénératif, les batteries sont garanties souvent autour de 100 000 ou 150 000 km et le moteur électrique est une technologie mature et extrêmement fiable).
La carte grise et l’assurance sont moins chères.
Une voiture qui fait 20 000 km/an coûte à peu près 2 000 €/ans de moins à l’usage en électrique qu’en thermique.
En cycle complet, les VE coûtent très souvent moins chers (surtout pour les gros rouleurs) et l’écart va se creuser avec le temps : l’industrie des VE en est à ses débuts, les coûts de fabrication vont baisser et mon pronostic est que le coût du carburant va augmenter plus vite que celui de l’électricité.
“Les voitures électriques consomment plus d’énergie à cause de la production de la batterie”
Un VE consomme beaucoup moins d’énergie à l’usage (de l’ordre de 3 fois moins) mais sa production, notamment celle de la batterie, est plus énergivore. En toute rigueur, il s’agit de raisonner en cycle de vie pour comparer les 2 types de véhicules. Qu’en est-il ?
Les recherches effectuées pour Horizons décarbonés montrent que la production d'un VE demande 2 fois plus d'énergie qu'un VT. Comme l'énergie de fabrication est faible devant l'énergie de l'usage, le VE demande, sur son cycle de vie, moins d'énergie. Si la durée de vie est de 200 000 km alors le gain est de l’ordre d'un facteur 2, si la durée de vie est de 500 000 km alors le gain est d’un facteur 2,4.
“Les VE polluent autant que les VT”
Il y a une grande confusion dans le grand public qui parle de pollution de manière générique alors que le CO2 n’est pas au sens strict un polluant (il n’est pas toxique pour les être humains aux concentrations actuelles) et qu’il existe de nombreux types de pollution (au plomb, à l’azote et aux particules fines qui nous intéressent ici).
Les VE émettent moins de CO2 sur leur cycle de vie que les VT, cela est bien établi. Mais il y a un autre type de problème environnementaux lié notamment à la combustion des énergies fossiles : la pollution aux particules fines.
Ces particules fines, causant notamment des problèmes respiratoires, sont responsables de 8 millions de morts par an dans le monde et de 100 000 français (ici et là). Elles sont causées notamment par la combustion des énergies fossiles mais aussi par l’usure des pneus et des plaquettes de freins.
Les VE n'émettent pas de particules fines au pot d’échappement (elles n’en ont pas) mais émettent plus de particules fines dues aux pneus à cause de leur poids plus importants et moins au niveau des freins grâce au freinage régénératif (un VE peut freiner sans utiliser les freins et se recharge).
Au total, les VE polluent moins aux particules fines même si la baisse est moins drastique que pour le CO2. C’est cela qui motive l’inclusion des VE dans les zones à faible émission.
Bien souvent, les intérêts de la santé des citoyens et de la lutte contre le changement climatique sont alignés et c’est une bonne nouvelle !
Conclusion
Lorsque l’on compare une véhicule électrique à un véhicule thermique appartenant tous les 2 à la même classe type “compact” alors on peut dire que le véhicule électrique possède moins de terres rares, demande 13 fois moins d’extraction, consomme 3 fois moins d’énergie à l’usage, émet au moins 6 fois moins de CO2 et coûte moins cher sur sa durée de vie, possède une batterie dont les métaux critiques seront recyclés entre 80 et 95%, prend feu moins souvent qu’une voiture thermique, émet moins de particules fines et, dans le cas d’une batterie LFP, ne demande pas d’exploitation d’enfants pour le cobalt et a une batterie qui peut parcourir largement 500 000 km.
La voiture électrique n’est donc pas une arnaque écologique et participe à la durabilité.
Une voiture électrique reste une voiture et conserve de forts inconvénients (coûts importants, mode de transport moins sobre en matière et énergie que les mobilités douces ou les transports publics, occupation d’espace important surtout en ville, émissions de particules fines…). Cela sera traité dans un autre article.
Il n’en reste pas moins que la voiture électrique a sa place dans une société bas carbone ce qui n’est pas le cas pour son homologue thermique.